
Cette question qui a récemment été posée sur le groupe Facebook de la Confrérie du rhum a alimenté les commentaires pendant quelques jours. Les réponses fournies sont plutôt intéressantes, et de nature à réflexion, c’est pourquoi j’avais très envie d’y revenir. Il n’y a pas de réponse unique, mais une multitude de possibilités. Autant que de styles de rhums ?
Si l’on examine la question sous l’angle étymologique, le Larousse nous dit.
Authentique : Dont l’exactitude, la vérité ne peut être contestée. Donc ça nous ramène à la définition de rhum et si on va voir une nouvelle fois sur le Larousse… Surprise !
Rhum : Eau-de-vie obtenue par la fermentation alcoolique et la distillation des mélasses de canne à sucre ainsi que d’autres sous-produits de la fabrication du sucre de canne. Bon ces gens là n’y connaissent rien au rhum. Pour une meilleure définition je vous invite à consulter wikipedia (https://fr.wikipedia.org/wiki/Rhum) qui à défaut d’être exhaustif démontre la complexité à définir le rhum. Alors je préfère parler des rhums plutôt que du rhum. En France c’est la règlementation européenne qui s’applique.
Bon et alors c’est quoi un rhum authentique !
Parmi les réponse formulées, il y a forcement un rapport au temps voir à l’ancien temps (un rhum comme autrefois) donc un rhum issu de mélasses ? Ben oui forcement… ou alors un rhum qui respecte la matière première et le travail effectué aux champs (de canne). D’autres propositions de définition tiennent compte de l’aspect artisanal de la distillerie qui sera de préférence de petite taille. Le qualificatif d’authentique, rappel aussi que l’origine ou l’indication de provenance du rhum doit être indiquée et bien évidement réelle. Tant qu’on y est un rhum authentique est sans colorant (caramel autorisé par la législation européenne pour uniformiser la couleur), sans aromatisation, sans ajout de sucre, si possible sans filtration et mis en bouteille à la distillerie ! Pourquoi pas un full proof 65% aussi et vieilli uniquement en fût de chêne neuf… Tiens ça commence à ressembler à la dernière cuvée de la confrérie HSE 2007 !?
D’autres exemples de rhums authentiques ou proches de cette ébauche de définition ?
Et bien les rhums de la Compagnie des Indes s’en approchent assez dans l’esprit avec la collection single cask (embouteillages de fût uniques de rhums millésimés distillerie par distillerie), bien qu’ayant subi un vieillissement majoritairement continental. L’influence est évidente sur le style du rhum et ses notes aromatiques, les échanges au sein des fûts s’en trouvent modifiés par le climat plus frais à comparer avec les latitudes tropicales.
Parmi les rhums de tradition britannique, les rhums de La Barbade de chez Mount Gay et Foursquare proposent des rhums issus de mélasses de canne cultivées sur l’île, avec une volonté de travailler la séparation des distillats. Demarara Distillers au Guyana possède aussi une richesse d’un point de vue de son héritage culturel, une collection d’alambics unique. Le Guyana est un territoire avec de grandes plantations de canne à sucre pour l’industrie sucrière, le pays fournit des mélasses pour de nombreux pays producteurs de rhum. Malheureusement cette authenticité potentielle ne se traduit pas dans les embouteillages officiels de la marque El Dorado, c’est bien dommage…
Du côté des rhums de tradition espagnole, la notion d’authenticité se situe, par héritage, dans le procédé de vieillissement et d’élevage. Au crédit de certaines distilleries, on peut noter pour Abuelo au Panama par exemple, l’exploitation des plantations de canne locales du Panama pour la fabrication des mélasses. Et le recours à la méthode Solera, bien que partie intégrante et traditionnelle de la culture hispanique, n’est pas systématique chez eux. D’une manière générale les rons gagnerons en lisibilité et donc en authenticité si les marques s’unissent dans un effort communs pour la création d’un label calqué sur le label ACR, qui sans être parfait permet d’initier une démarche convergente.
Enfin les rhums agricoles ou issus de pur jus de canne correspondent presque logiquement pour nous français à la qualification d’authentique, de par notre culture de l’AOC et des notions de terroir. Pourtant si l’on regarde les dernières tendances et les innovations du côté des finish de nos rhums pur jus de canne, il s’agit plutôt d’introduire une vision moderne à opposer à la tradition. La qualité gustative finale du rhum n’est pourtant pas remise en cause par cette rupture avec l’héritage culturel. Et pour explorer l’authenticité des rhums de pur jus, je vous suggère par exemple les rhums Depaz, La Favorite ou encore Chamarel qui chacun dans leur style apportent leur pierre à l’édifice des rhums authentiques.
En guise de conclusion je reprends les propos de confrères qui situent l’authenticité d’un rhum sur la durée, l’histoire et l’héritage culturel. Les traditions qui se perpétuent au fil des années et qui permettent de voir un style s’affirmer participent à l’authenticité, que ce soit en fonction d’un pays ou à plus petite échelle d’une distillerie. Chaque maison travail à l’élaboration d’un style d’une signature du maitre de chais, l’authenticité c’est tout simplement respecter sa propre identité et ses origines.